Cartographie des localités d’origine en Roumanie des roms en bidonvilles à Lyon

J’ai commencé l’année dernière un travail cartographique sur les localités d’origine en Roumanie des occupants des bidonvilles de Lyon, à partir de données d’une association pour laquelle j’ai travaillé (l’Alpil) et qui proposait jusqu’en 2010 un service de domiciliation aux personnes sans abri. En m’intéressant aux roumains domiciliés, pour l’essentiel des roms, j’ai tenté de faire la cartographie des localités d’origine de ces personnes, ce qui fait émerger quelques pistes de réflexion sur la situation qui est à l’origine de leur mobilité.

D’où viennent les roms roumains en bidonvilles à Lyon?

L’échantillon des personnes est assez parcellaire (1648 personnes, avec certainement quelques doublons que je n’ai pas pu éviter), mais certainement suffisamment représentatif. Entre 2007 et 2010, on estimait à environ 1500 à 2000 personnes en habitat précaire sur le territoire de la métropole de Lyon. Lorsque je travaillais dans cette association, j’ai pu observer que la possibilité d’obtenir une domiciliation de l’Alpil était un peu un « passage obligé » pour la majorité des personnes en habitat précaire. Certes, il y avait bien des personnes qui ne sollicitait pas de domiciliation, mais un nombre assez important des personnes en habitat précaire en sollicitait une. Par ailleurs, j’ai pu également observer que ces personnes étaient en majorité des roms roumains et qu’ils étaient effectivement en habitat précaire (squats, bidonvilles, hébergement d’urgence, voitures, etc.) quand ils sollicitaient cette domiciliation.

J’ai pu faire un premier tri à partir des départements (judet):

Proportion des roumains en demande de domiciliation à Lyon par département d’origine

On voit globalement la répartition par département, plutôt concentrée le long des frontières roumaines de l’ouest et du sud-ouest. Les trois départements les plus concernés sont les départements de Bihor et Arad (à eux deux un tiers des personnes) et celui du Dolj et représentent deux « pôles » (nord-ouest et sud-ouest) entre lesquels on trouve des départements moins représentés mais qui forment une espèce de jonction (le département de Caras-Severin en particulier).

J’ai fait le même travail cette fois par commune:

Localités d’origine des roumains en demande de domiciliation à Lyon par commune

On reconnait les deux « pôles » sud-ouest et nord-ouest, mais une différence apparait dans les formes de concentration des localités d’origine: dans le département de Dolj, c’est dans les périphéries de la ville de Craiova que se concentrent les localités d’origine; par contre, dans le département de Bihor, ces localités se distribuent le long de la frontière sud du département. Si on ne regarde que les communes concernées à l’échelle de la Roumanie, on se rend tout aussi bien compte du nombre et de leur concentration sur un large territoire des communes du nord-ouest, en particulier du département de Bihor:

On voit bien cette distribution à l’échelle du département de Bihor:

Localités d’origine des roumains en demande de domiciliation à Lyon par commune du département de Bihor

Si on prolonge cette carte avec celle du département de Arad au sud de celui de Bihor, on voit que cette distribution suit une sorte de logique territoriale qui dépasse les frontières administratives des départements:

Localités d’origine dans les départements de Bihor et Arad

Qu’est-ce à dire? Il y a certainement au moins deux éléments qui rentrent en compte: l’interconnaissance des familles, qui n’est pas forcément lié à la géographie, à part la proximité des communes et les voies de communication, en ce sens aussi peut-être la sociologie des groupes de roms. Et puis il doit y avoir autre chose lié au contexte socio-économique des territoires et aux politiques publiques locales. C’est à cet endroit qu’il faut certainement creuser et croiser un certain nombre de variables, comme les politiques sociales locales, la captation des fonds sociaux européens et tous les indicateurs socio-économiques. L’hypothèse principale étant que les conditions et les perspectives de vie dans ces territoires ne sont sans aucun doute pas bonnes du tout et que le départ des familles en nombre de ces communes, en particulier dans la première moitié des années 2000 jusqu’à aujourd’hui dans une moindre mesure, suit une forme de logique dont l’indice principal est la situation sociale actuelle assez mauvaise des communes rurales et semi-rurales dans cette zone.