Regard sur le dispositif Andatu pour l’intégration des roms roumains à Lyon en France

J’ai participé en fin d’année 2015 à un travail de capitalisation mené par la Mrie pour la Fondation Abbé Pierre du dispositif « Andatu » (2011-2015) d’intégration de 100 familles de roms de bidonvilles de l’agglomération lyonnaise. Je propose ici un premier regard sur le principe même du dispositif qui est pour moi un dispositif spécifique qui retire la question des bidonvilles d’un travail de fond sur l’accès au droit commun, ce qui, après « l’intégration » à marche forcée des 100 familles, le laisse en partie vain, pour cette question des bidonvilles comme pour toutes les questions qui relèvent de la précarité et de la mise au ban de certaines catégories de public par l’action publique. 

Replacer le dispositif Andatu dans son contexte

Le dispositif Andatu arrive en 2011 dans un contexte dans lequel un certain nombre d’actions (issues de la commande publique) ont été tentées sans donner de résultats probants (expulsions des sites d’occupation, opérations de relogement, maîtrise d’œuvre urbaine et sociale MOUS « habitat précaire », retours « volontaires » de l’OFII, etc.) Le problème est alors toujours traité comme un problème d’ordre public, et non comme un problème « social » (qui engage la société), bien que le dispositif public (Etat / Métropole) de la MOUS « Habitat précaire » (2008) notamment ait voulu un temps faire reconnaître le problème social avant tout. L’idée était de dire que la solution se trouvait dans l’évolution des outils d’intervention pour l’accès au logement et notamment l’accès à une offre adaptée, en montrant que l’installation en bidonville se fait par défaut d’autre solution de logement (et rappeler par là le droit fondamental qu’est l’accès de tous à un logement). Donc avec cette MOUS par exemple, le travail se faisait en droit, sur le fond du problème, sans prendre la caractéristique des personnes comme une contrainte sur le système mais plutôt penser l’évolution nécessaire du système et du droit (quelle offre de logement ou d’hébergement mettre en place pour des familles sans ressource et avec quel accompagnement ?). En théorie seulement, puisqu’en pratique ces objectifs n’ont pas même été pris en compte.

Le dispositif fait de la situation des personnes un problème (mais ne part pas des besoins des personnes)

Lithographie allemande vers 1837-1842 représentant la condamnation d'une "bande de gitans"
Lithographie allemande vers 1837-1842 représentant la condamnation d’une « bande de gitans »

Le dispositif Andatu dit autre chose au moment où il se met en place : il part de la situation des personnes (d’ailleurs concrètement sur des sites en particulier et à un moment donné, et non la situation en général de l’habitat précaire) vue comme une situation « particulière » et qui agit comme une contrainte ou un obstacle si on veut faire un travail d’intégration (pensé comme une « régularisation », avec le présupposé que la situation des personnes est au départ « irrégulière »). L’analyse qui est faite est que la contrainte majeure est la situation des personnes, le fait qu’elles ne puissent ouvrir droit à des ressources, et donc à l’ensemble des dispositifs communs d’aide sociale. Il n’est pas question de droit au logement (on pense d’ailleurs que l’accès au logement est conditionné), il est question des obligations des personnes en premier lieu. L’obstacle tel qu’il est vu par ce dispositif, c’est que les personnes ne sont pas en mesure d’assumer leurs obligations, et qu’elles n’ont donc « droit à rien » en retour. Si on ouvre enfin des droits « dérogatoires », c’est-à-dire qu’on fait exception (et donc pour un certain nombre et dans certaines conditions, sinon ce n’est plus une exception), on lève (pour un temps seulement) certaines obligations (pour en ajouter d’autres), notamment l’obligation de cotisation préalable à l’ouverture des droits sociaux (RSA, allocations et APL). Une fois cette obligation levée, ce droit dérogatoire donné, les personnes ont de quoi assumer leur entrée dans le logement. Du côté des dispositifs publics d’aide sociale et d’accès au logement, rien de changé, sinon des filières d’accès facilitées « par dérogation » toujours, pour réduire le temps d’accès pour les familles du programme Andatu, accès qui est par ailleurs très long pour tous les autres dans une agglomération comme Lyon (ce qui ne met pas en question la possible pénurie de logement, mais semble montrer que c’est parce qu’il y a beaucoup de demandeurs que le temps est long, tout en les mettant en concurrence).

Un dispositif qui contraint les personnes et non les institutions

Donc le dispositif Andatu ne fait pas un travail en droit sur le fond du problème, il fait un travail sur les obligations des personnes (en levant certaines des obligations pour en rajouter d’autres) qui fait d’ailleurs que ce sont les personnes le problème (et ce sont elles seules qui ont la solution). Les dispositifs publics de droit commun ne sont pas voués à évoluer. On n’intervient de cette manière que sur l’urgence du problème (le problème que posent à la puissance publique et aux « riverains » des roms en bidonvilles), et non sur le manque d’offre adaptée à certaines situations de personnes et de familles qui demande que les dispositifs publics et les politiques publiques évoluent dans leurs réponses en droit. Mais le manque d’offre adaptée demande également à ce qu’on ne parte plus d’une situation en particulier, mais d’un problème qui peut être transversal et commun à plusieurs types de situation.

A lire aussi :

Le bilan du dispositif que fait par la préfecture du Rhône

La présentation du programme par l’opérateur Forum Réfugiés

Un article de rue89 sur le dispositif (2013)

Et sur ce blog, ma présentation en soutenance où je fais la différence entre le spécifique (ponctuel et superficiel) et l’adapté (long terme et modélisable au fond)…